Chère langue
française,
Tu ne me connais pas, c’est
normal - après tout, je ne suis qu’une de tes nombreuses admiratrices. Comme beaucoup
d’entre nous, je te voue un véritable culte depuis un très jeune âge. Tu n’es
pas ma langue maternelle, tu n’es même pas ma première langue étrangère. Etant
née Luxembourgeoise, j’aurais pu grandir avec le ressentiment que nourrissent
beaucoup de mes compatriotes à ton égard : celui de devoir parler la
langue « des frontaliers » partout.
Il se trouve que j’ai été ravie.
Longtemps, j’ai voulu être Française. Lorsque j’étais étudiante à Paris,
j’étais souvent tentée de répondre par oui
lorsqu’on me posait la question. Et ce n’était pas un patriotisme d’adoption,
loin de là en fait : juste un amour fou pour une langue.
Le français, c’est toute ma vie.
C’est les contes de Daudet, ma première lecture adulte à côté des romans pour petites filles. C’est la découverte
de Marcel Proust, l’année de mon bac, un coup de foudre déclenché par Un amour de Swan. C’est le personnage
d’Hermione dans la pièce Andromaque,
c’est les Misérables et Eponine, ce
sont tant et tant de romans qui m’enchantent, les Liaisons dangereuses¸ Manon
Lescaut, Belle du Seigneur, Voyage au bout de la nuit et puis Le scaphandre et le papillon, ce texte contemporain
qui est un magnifique hommage à la beauté des mots. J’aime tes pièces de théâtre, Musset, Racine, tes héroïnes, Ondine,
Antigone, et j’en passe. J’aime Montaigne et Camus, pour leurs pensées philosophiques et la manière dont ils les expriment.
Sans toi chère langue française,
je ne serais pas grand-chose, tu vois. Sans toi, je n’aurais pas écrit des
dizaines de petits textes au cours de ma vie, et je n’aurais pas participé à un
concours de nouvelles et à un Printemps des poètes, sans toi, je n’aurais pas
reçu, sur mon chemin, des encouragements par-ci, par-là, certes épars, mais
assez motivants pour me pousser à avancer, malgré mes doutes et mon manque de
confiance en moi.
Je suis entièrement dévouée à
toi, chère langue française.
Oh, il y en aura sûrement qui
prétendront que j’exagère : La langue doit servir d’outil de
communication, point barre, dira-t-on. Bon serviteur et mauvais maître ?
On en a marre de l’Académie ? Vive
l’émancipation, à bas le joug de la grammaire et de l’orthographe ? Hé
bien moi, je l’admets, je suis plutôt là
pour servir la langue française. Asservissement à une langue ? Esclavage
volontaire sous la domination des mots et de phrases ? Hé bien oui !
Je dois te l’avouer, je t’ai
quand même fait quelques infidélités. J’aime trop les mots, les phrases, les livres…pour
ne pas à un moment ou un autre tomber sous le charme d’autres langues. Pendant
mes études de lettres, j’écrivais presqu’exclusivement en anglais, je m’en
excuse. C’est une langue que j’affectionne, et je ne renierai jamais mon amour
pour l’Angleterre et tout ce qui est british,
et par extension toute la littérature de langue anglaise, à commencer par Shakespeare,
en passant par Harper Lee, Oscar Wilde, Jane Austen et les sœurs Brontë et en aboutissant avec
ravissement entre les belles phrases si bien tournées de Vladimir Nabokov. L’anglophilie
me tient. Les anglicismes me plaisent. Et puis, pour les short stories, je dois bien avouer que le monde anglophone semble
mieux maîtriser que toi cette forme littéraire que j’adore. Peut-être te
prêtes-tu simplement mieux aux romans, à la poésie, qu’aux histoires courtes.
L’ironie du sort a d’ailleurs
voulu que je privilégie, moi, le genre de la nouvelle, justement ; c’est
celui que j’ai choisi, qui me réussit le mieux. Je fonctionne mieux par à-coups,
les textes rédigés d’une traite, sur le coup d’une inspiration qui arrive après
minuit.
Et puis, j’adore apprendre des
nouvelles langues, l’italien, le tchèque… m’approprier des nouvelles structures
lexicales, un vocabulaire tout neuf, apaise mon esprit, me fournit un certain
sens de l’ordre dont mon cerveau a besoin, oui, j’AIME découvrir des nouvelles
règles, j’AIME même faire des exercices.
Quoi qu’il en soit, je reviens
toujours à toi, chère langue française, pour ton élégance, ton raffinement, même
pour le snobisme avec lequel tu choisis ou dédaignes les néologismes à ta
guise, j’aime même le côté inflexible de tes règles si rigoureuses et pourtant
remplies de contradictions.
J’ai ressenti une connexion
profonde, une connivence inexplicable avec toi depuis mon enfance.
Tu m’as fait un cadeau
merveilleux, chère langue française. Tu m’as offert des mots pour exprimer mes
joies et mes peines, pour créer, inventer, pour tirer de vécus sordides et peu
palpitants des récits pouvant toucher autrui. Transformer le vécu en quelque
chose de littéraire, tirer une histoire d’une anecdote, présenter ainsi comme
dans un écrin grâce aux mots précieux un bout de vie vécue ou de vie imaginée,
cela tient de la magie, pour moi.
Tu m’as mis entre les mains une
baguette magique et quand je lis les grands auteurs, je suis en présence de
très grands magiciens. Je n’ai pour ma part pas de grandes ambitions et ma
petite plume est bien modeste, mais des rêves, j’en ai, et je compte moi aussi,
dans mon petit coin, faire quelques petits tours de magie.
J’écris comme je respire-je ne pourrais imaginer ma vie sans
l’écriture, ni sans toi, chère langue française.
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