Je l'avoue,
j'ai longtemps regardé la littérature contemporaine d'un mauvais œil. Quand on
se passionne pour le XIXe siècle et qu’on chérit les œuvres créées par des pointures
telles que Balzac ou Dostoïevski ou alors des monuments littéraires intemporels
à l’instar de Shakespeare ou de Marcel Proust, on a peut-être tendance à faire
la fine bouche en ce qui concerne des auteurs vivant à notre époque. Il est
vrai que les Marc Lévy et autres Nora Roberts dont j'ai pu essayer de lire les
romans ne m'ont pas vraiment convaincue, et c'est le moins qu'on puisse dire.
Surtout dans le paysage littéraire français j'avais à peu près abandonné l'idée
de trouver un roman digne de ce nom publié après 1970, il est vrai que pendant
longtemps, je n’ai pas vraiment cherché : mon avis était arrêté.
Il se trouve
qu'au cours de mes études de lettres, je me tournais souvent vers la
littérature anglophone comme un contrepoint bienfaisant à l'académisme assez
étriqué des études littéraires en France. C'était comme si un vent de liberté
soufflait sur le fameux 'novel' de langue anglaise et cette liberté semblait
engendrer beaucoup de créativité. Et si je vouais une grande admiration à des
auteurs de l'époque victorienne telles les sœurs Brontë ou Jane Austen ou
encore Emily Dickinson qui leur a succédé, je dévorais aussi les œuvres très
contemporaines de Zadie Smith, Jeffrey Eugenides, Donna Tart ou Nick Hornby. Je
me disais que sans doute la langue anglaise, n'étant pas freinée dans son essor
par une Académie, se prêtait à une littérature qui pouvait se réinventer sans
cesse et réjouir le lecteur ravi d'une perle après l'autre. Je m’entêtais alors
à asséner que oui, ces romans avaient été écrits par des auteurs contemporains,
certes, mais en anglais, et enfin, c’étaient plutôt des exceptions.
Or, dans ma
soif insatiable de découvrir de nouveaux romans, je suis tombée également sur ces
auteurs qui écrivent des récits qu'un petit pourcentage de lecteurs pourra lire
en langue originale, et qui grâce à un traducteur ou une traductrice, seront
distribués à l'échelle mondiale. C'est le cas de l’Ukrainienne Marina Lewycka
ou encore de la Suédoise Katarina Mazetti. Ces découvertes ont eu lieu après mes
études-j'avais retrouvé mon amour du français, et comme j'avais déjà commencé à
explorer des traductions françaises de romans européens, je ne me suis pas
arrêtée là. J'ai lu un bouquin de Mazarine Pingeot par ci, un Nicolas Barreau
par là. Je suis revenue à l'auteur à la fois humain et très impressionnant de La petite marchande de prose, Daniel
Pennac, que j'avais dû oublier pendant quelques années. En tant qu'enseignante,
j'ai beaucoup aimé Chagrin d'école et
j'ai été prise de fou rires à la lecture d' Aux fruits de la passion. J'ai savouré d’une traite les romans de
la grande dame de la littérature de jeunesse, Marie-Aude Murail, en commençant
par l'incontournable Simple.
J'ai constaté,
par ailleurs, que finalement, si j'étais honnête, beaucoup de mes auteurs
fétiches se rapprochaient pas mal de la contemporanéité. Lolita fut publié en 1955, Belle
du Seigneur d’Albert Cohen reçut le Prix du roman de l’Académie française
en 1968 et les Métamorphoses d’un mariage
du Hongrois Sandor Marai sortit de l’ombre en 1980. De plus, j’avais récemment
découvert les ‘short stories d’Alice Munro – ces nouvelles qui renferment comme
dans un écrin infiniment plus de beauté, de sagesse et de cohérence que bon
nombre de romans. J’étais aussi tombée sur Jonathan Franzen, géant de la parole écrite
s’il en fut : Après avoir lu Freedom,
j’avais déclaré que je ne pourrais plus lire aucun roman pendant un certain
temps, puisqu’il était difficile pour n’importe quel auteur d’arriver à la
cheville d’un tel phénomène.
Alors que je
contemple les étagères de ma bibliothèque fraîchement dégarnie pour ne
conserver que mes vrais coups de cœur, je dois bien me rendre à l’évidence que
les écrivains vivants, s’ils ne supplantent pas ceux reposant au Père-Lachaise,
m’ont tout de même réservé de sacrées jolies surprises au fil des années. J’ai
hâte de dégoter la prochaine perle rare et si je mets des œillères pour enlever
de mon champ de vision les bestsellers médiocres, je pourrai m’en donner à cœur
joie dans les librairies du Grand-Duché.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Laissez un petit mot, cela me fera bien plaisir!