Feng Shui-comment j'ai tenté de désencombrer ma vie

« Là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. » Charles Baudelaire

Quelqu’un, un jour, a découvert que le bonheur, c’est de ramener tout l’univers vers soi, de le rendre gérable, d'en réduire la taille jusqu'à ce qu’il rentre dans notre poche. Les randonneurs qui suivent un parcours en montagne en se déplaçant d’un gîte à l’autre avec sur le dos un sac contenant uniquement ce dont ils ont besoin vous diront le sentiment de liberté qui accompagne cette réduction des habitudes et des objets : moins, c’est plus. Et pas seulement en randonnée.
Se désencombrer, cela semble déjà un grand pas de fait vers plus de sérénité dans une existence.
Vous vous souvenez de ce carton rempli de vieux classeurs qui traîne sur le grenier depuis des lustres? Ou de tous ces objets qui prennent la poussière mais dont vous ne vous défaites jamais, pour des raisons qui défient la raison. Il y a des personnes chez qui l'engrangement d'objets prend des proportions extrêmes, on le sait. Mais garder des choses qui franchement ne sont (plus) d'aucune utilité est un comportement extrêmement humain et donc compréhensible. Comment pourrait-on montrer du doigt  une maman qui garde tous les bricolages rapportés du jardin d'enfant ou alors une vieille dame solitaire qui n'arrive pas à se séparer de vieux bibelots rattachés à des souvenirs précieux?

Quoi qu' il en soit, la plupart du temps, si nous gardons ces objets qui 1. ne nous servent à rien et 2. ne nous apportent aucune joie (si on les examine vraiment au cas par cas), il y a de fortes chances pour qu'un des deux cas de figure suivants s'applique: Soit nous n' arrivons pas à nous en détacher parce qu'il s'agit d'un souvenir. Ou alors nous pensons que nous pourrons en avoir besoin dans un avenir proche ou lointain.

Or, à bien y réfléchir, j'ai remarqué que ces deux raisons ne me suffisent plus pour me décider à garder un objet: Si j'ai besoin d'un objet pour me remémorer un moment du passé, c'est que je peux le laisser s'envoler-un souvenir précieux n'a pas besoin de se raccrocher à un objet donné. Et si nous oublions, et bien soit, il y a des raisons pour cela. Et puis, je me suis rendu compte que bien souvent souvenir est synonyme de vivre dans le passé. Plus je m'entoure de rappels du passé, et moins j'ai atterri véritablement dans le moment présent. Pareil pour les objets gardés au cas où: Comment se fondre dans l'instant si on prévoit sans cesse pour un avenir hypothétique?

Oh j'entends déjà les personnes qui s écrient: Oh mais dernièrement, j ai FAILLI jeter l'objet xy et HEUREUSEMENT que je ne l'ai pas fait! Figure-toi que deux jours après, j en ai eu besoin! Je ne peux pas me prononcer avec certitude sur ce sujet, mais...il paraît que l'espèce humaine est très forte en ce qui concerne l'auto-persuasion. Il semblerait même que nous soyons capables de créer des situations dans lesquelles nous éprouvons un besoin, juste pour nous prouver qu'il était nécessaire de garder un certain objet.

Je suis, comme beaucoup d'autres, matérialiste au sens que j accorde sans doute une bien trop grande importance aux choses. J'aime toucher, regarder, respirer les objets décoratifs, utiles, personnalisés que je possède et je serais très chagrinée d'en être séparée contre mon gré. Or je suis de plus en plus convaincue que ces objets chéris sont de très bons serviteurs mais de très mauvais maîtres. Je ne parle pas de l'emprise du matérialisme sur nos vies ou encore du danger de laisser l'avoir prendre le pas sur l'être. Assez d'encre a coulé à ce sujet.

Le sujet que je voudrais aborder, pour ma part, c'est qu'à force d'entasser les objets, nous ne les voyons plus, nous ne leur donnons plus leur juste valeur, nous ne les apprécions plus.

Less is more. Voilà donc encore une expression-cliché profondément vraie dans beaucoup de contextes. (Bien sûr, elle peut tout aussi bien sonner archi-faux, dans le cas du besoin extrême dans les pays pauvres par exemple.) Mais dans une société de surabondance, nous sommes presqu'obligés de réduire pour accroître notre propre bonheur.

En tant que personne littéraire jusqu' au bout des ongles, je vous donnerai un exemple. Ceux qui connaissent la passion que je voue aux livres depuis toujours s'étonneraient sans doute de me voir dégarnir régulièrement ma bibliothèque d'un grand nombre de volumes pour les donner. Si je fais cela, pourtant, c'est précisément parce que j'aime les livres, parce que j'aime MES livres, et que je ne veux garder que ceux qui me touchent ou qui sont importants pour moi. Lorsque je me sépare de tous les autres livres, ceux qui invariablement finissent couverts de poussière, je trouve que les bouquins qui restent se retrouvent mis en valeur d'autant plus. Ils ne sont pas là pour "bien faire" sur une étagère ou parce qu'il "faut les avoir lus". Ils sont là pour une raison personnelle, et si je n'en ai pas, je préfère les faire circuler. Après tout, un livre, c'est fait pour être lu!

Ce même principe, je l'applique aux films, à la musique, aux fichiers sur mon ordinateur, à ma trousse de maquillage, à ma cuisine. Ce que j'utilise et ce que j'aime, je le garde. Le reste, je m'en sépare sans états d'âme. Comme le dit une chanson de Jewel, tout finit par être temporaire si on attend assez longtemps, alors lâcher prise peut faire beaucoup de bien.

Un des grands avantages du désencombrement est qu'il nous procure un éclaircissement de nos pensées. Tout semble plus clair, plus simple, lorsque notre espace vital n'est pas envahi par une légion d'objets qui n'occupent pas seulement l'espace, mais aussi notre esprit.

De la même manière, j'ai constaté que le désencombrement peut s'étendre à d'autres domaines: on peut se défaire de la même manière de vieilles croyances, d'anciennes attaches, de relations malsaines, de rapports empoisonnés. Tant et tant d'obligations n'en sont pas en réalité, finalement. J'ai même élagué ma liste de choses à faire en la passant au crible feng shui*.

Cette année nous allons déménager, d'un appartement dans une maison. Etrangement, cela rend plus facile encore la tâche du désencombrement. Nous devenons encore plus conscients des objects inutiles, ceux qui restent dans des cartons sur le grenier toute l'année ne vont certainement pas trouver leur place dans la camionnette des déménageurs, et encore moins dans notre nouveau chez-nous. Ce qui n'appartient pas au présent et ne nous procure pas de joie au quotidien, sera abandonné, laissé derrière nous, à notre grand soulagement. Après tout, un ballon ne peut s'envoler vers le ciel que s'il lâche du leste (et s'il est gonflé à l'hélium)
En 2015, j'ai appris beaucoup de leçons, entres autres que j'ai besoin de me détacher de mon passé pour avancer. J'ai toujours aimé ranger, trier, et même jeter dans certains cas, j'étais donc surprise moi-même de voir combien je gardais d'objets et combien je me mettais des boulets aux chevilles. Pourquoi gardais-je des classeurs de mes années de stage, des cours que je ne consulte plus, des lettres de personnes dont le nom ne me dit presque plus rien?
Tous mes efforts, mes expériences avec le yoga, mes relations, mes weekends passés à chercher la meilleure façon de profiter de la vie, ont tendu vers un seul objectif: apprendre à être dans le moment présent. A ne plus se morfondre en contemplant d'un œil nostalgique son passé, à ne pas rêver d'un futur possible, probable... en gardant à portée de main tout ce qui pourrait (peut-être, un jour, si je rêve assez longtemps)  réaliser tous mes rêves.
Je ne veux garder que ce qui fait partie de mon présent, je le répète. Et si je ne veux pas me perdre dans des grands rêves mais plutôt travailler pas à pas à leur réalisation, en me retroussant les manches: ce qui compte, c'est ce dont j'ai besoin au jour le jour.
*Je suis loin d'être une experte du Feng Shui, mais depuis que j'ai lu les deux livres énoncés ci-dessous, c'est devenu pour moi le mot-clé symbolisant le désencombrement.

1. The life-changing magic of tidying up: The Japanese art of decluttering and organizing, Marie Kondo

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2. Clear your Clutter with Feng Shui: Free yourself from physical, mental, emotional and physical clutter forever, Karen Kingston
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