Je ne sais pas pourquoi mais on vit dans un société où tout le monde se mêle de la vie de tout le monde. On se sent tous concernés, tout le temps.
Or, les choix des autres, surtout quand ils n'ont aucun impact sur notre vie, quand ils ne nous enlèvent rien et ne nous nuisent pas, ce n'est tout simplement pas nos oignons.
La femme de 35 ans pour laquelle tu t'inquiètes parce que tic toc il faudrait peut-être qu'elle s'y mette, les ovules n'attendent pas » ou encore ce jeune homme qui veut faire sa vie l'étranger alors que toi tu penses qu'il a besoin d'un « bon boulot bien stable et surtout chez nous » - en fait, de quoi tu te mêles?
Les femmes qui ne veulent pas d'enfants - l'exemple majeur sur lequel je m'appuie dans cet article - sont souvent les cibles de beaucoup de haine. Comme si les gens s'inquiétaient de ceux qui font autrement. Comme si fait qu'une autre choisit différemment mettait en doute nos propres choix.
J'ai deux enfants, je suis une maman comblée et, bien que ce ne soit pas facile tous les jours, avoir des enfants est une des meilleures décisions que j'aie pu prendre dans ma vie. Or, je ne dirais jamais à une autre femme qu'il « faut absolument qu'elle ait des enfants » ou « qu'une vie sans enfants, c'est triste », « qu’elle va avoir des regrets plus tard » ou une ânerie de la sorte.
En fait, dire que les autres femmes devraient faire comme moi, ce serait comme si je te sortais que parce que j'aime le chocolat noir, tu es obligé de l'aimer aussi. Comment ça, tu le trouves amer? Mais tu n'as pas vraiment goûté alors? Si? Mais tu dois te tromper - réessaie demain, tes papilles se seront peut-être adaptées. Bon, tu es vraiment sûre que tu n'aimes pas? Pourtant, moi je l'aime, alors il y bien une de nous deux qui doit avoir tort... Si tu ne manges pas de chocolat noir un jour, tu vas le regretter...Le chocolat noir est ce qui m'épanouit le plus dans la vie, je ne pense pas que tu puisses être comblée sans...alors réfléchis bien.... on est beaucoup à avoir choisi la voie du chocolat noir, alors voilà, tu ferais bien de t'y mettre aussi.
Par pitié arrêtons d'appliquer nos conclusions sur notre propre vie à la vie d'autrui. On a chacun la nôtre, elle est précieuse, et on la vit bien mieux sans être jugé par qui n'y connaît rien.
Il est impossible de savoir quelle est la vie d'un autre ou quelles sont ses motivations. Souvent, vouloir faire changer d'avis autrui est un manque de respect, le fait de ne pas arriver à comprendre qu'il est différent de nous, que ce qui marche pour nous ne marche pas forcément pour tout le monde. Il faudrait aussi arrêter d'assumer, de penser qu'on sait tout. Un des quatre accords toltèques dit de ne jamais faire de suppositions. Cela devrait être une règle d'or à suivre pour ce qui est de la vie des autres. Vous ne savez tout simplement rien ou presque - vous ne voyez que la partie émergée de l'iceberg.
Vouloir « guérir » quelqu'un de son anormalité pour qu'il devienne comme nous, c'est tout de même le comble de la complaisance. L'exemple le plus frappant et qui me brise le coeur étant la « conversion therapy » que certains esprits malpensants voudraient imposer aux personnes homosexuelles. Tout comme la décision de se reproduire ou non, l'orientation sexuelle d'autrui, cela ne vous regarde pas. Et juste parce que vous vous sentez attiré par le sexe opposé, cela ne veut pas dire que vous êtes plus « normal » qu'une personne qui ne l'est pas.
Il faudrait d'ailleurs arrêter d'étiqueter les comportements (et les états d'esprit qu'il y a derrière) comme « normaux » ou « anormaux » . Tant qu'on ne parle pas d'une attitude criminelle, tant qu'on ne nuit à personne, je ne vois pas comment on pourrait juger autrui pour la seule raison qu'il agit différemment de nous.
Les enfants le comprennent très bien - ils ne jugent pas, ils acceptent la différence comme faisant partie de la vie, tout simplement.
Je sais que beaucoup se sentent dans leur droit et se voient même comme une espèce d'apôtres en voulant transformer la vie d'autrui « pour leur bien ».
Sachez que vos bonnes intentions ne justifient pas votre immixtion dans la vie d'autrui. Vous n'êtes pas dans leur corps ni dans leur tête, vous ne connaissez pas leurs circonstances de l'intérieur. Déposséder une personne de son libre-arbitre et l'infantiliser en soupçonnant qu'elle n'est pas capable de prendre ses propres décisions est d'ailleurs un acte lourd de conséquences psychologiques. Vous n'enfermeriez personne dans une cage et pourtant les décisions que vous prenez pour autrui, la conviction de savoir ce qui est juste pour eux ce sont aussi les barreaux d'une prison.
Pareil pour tout fascisme ou nationalisme exacerbé, pour toutes les personnes tellement soucieuses de préserver leur « culture » et inquiètes de se faire envahir par les « étrangers » qu'ils ne se rendent pas compte que leur pizza est italienne et leur burrito mexicain. Qui n'acceptent les immigrés qu'à condition qu'ils "s'adaptent" et deviennent comme les habitants soi-disant légitimes. Qui pensent que pour vivre dans le même pays, on a tous besoin d'avoir le même mode de vie.
Ce qui ressort beaucoup, chez ces personnes souffrant de la phobie de la différence, c'est la posture de victime. Et celle-ci prend souvent le contre-pied de l'empathie et de la compassion. En clair, au lieu de dire: Qu'est-ce que je peux faire pour comprendre cette personne étrangère qui est si différente de moi et qui recherche un abri, de la compréhension, un travail... c’est : Qu'est-ce que cette personne peut potentiellement m'enlever? C'est la racine de tout racisme, de toute discrimination, une peur presqu'animale de se faire attaquer, de se faire dérober ses biens. Sauf qu'elle est la plupart du temps infondée.
Sous le couvert de la protection de la culture, des valeurs, des opinions d'une majorité, on écrase les droits des minorités. En oubliant que juste parce qu'un avis ne se range pas du côté de la multitude, il n'est pas interdit. Que les modes de vie sont multiples, et heureusement.
Derrière le prétexte de l'avenir de l'humanité, on se permet de dire aux femmes quoi faire de leur corps.
Vivre et laisser vivre, en permettant à tout un chacun de suivre sa propre voie sans qu'on empiète constamment sur sa route, voilà le rêve selon moi.